Droits d’auteur, exceptions et risques juridiques liés à l'utilisation d'extraits de paroles de chanson
Qu’il s’agisse d’une campagne de communication, d’un contenu digital ou d’un projet créatif, l’utilisation de paroles de chansons est encadrée par le droit d’auteur.
Il est fréquent que des entreprises s’inspirent de chansons connues pour conférer une tonalité originale et humoristique à leurs contenus promotionnels. Néanmoins, l’utilisation d’extraits de paroles, même courts et modifiés, reste strictement encadrée par le droit d’auteur et comporte un risque juridique.
I- Le principe : l’autorisation des auteurs est nécessaire
L’article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose :
« Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ».
Ainsi, reprendre des paroles dans une publicité ou une campagne sur les réseaux sociaux nécessite, en théorie, une autorisation préalable des titulaires de droits.
II- Les exceptions
Deux exceptions prévues par l’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle pourraient être invoquées pour justifier l’utilisation d’extraits de chansons :
- La courte citation : elle suppose de citer l’auteur et l’œuvre, et que l’extrait serve à illustrer un propos critique, pédagogique ou informatif.
Cette exception ne peut donc s’appliquer lorsque les citations :
- ne s’inscrivent dans aucun cadre critique ou polémique,
- ne visent pas à illustrer ou approfondir une analyse à vocation pédagogique ;
- et n’apportent, en elles-mêmes, aucune information particulière, étant simplement tirées d’œuvres publiées
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 19 nov. 2019, n° 18/08181
- La parodie : admise si l’extrait reprend l’œuvre tout en la transformant de façon humoristique ou satirique, sans risque de confusion. La jurisprudence reconnaît parfois cette exception, même dans un contexte commercial, dès lors que l’intention humoristique est manifeste.
Les conditions de l’exception de parodie ont récemment été rappelées par le Tribunal judiciaire de Lille :
« L’exception de parodie procède de la liberté d’expression qui a valeur constitutionnelle. Dans un arrêt du 3 septembre 2014, la CJUE a précisé que “la parodie a pour caractéristiques essentielles, d’une part, d’évoquer une œuvre existante, tout en présentant des différences perceptibles par rapport à celle-ci et, d’autre part, de constituer une manifestation d’humour ou une raillerie” (C6201/13, Deckmyn). Trois conditions cumulatives se dégagent de cette décision : l’œuvre seconde doit évoquer une œuvre existante ; elle ne doit pas risquer d’être confondue avec l’œuvre première ; et elle doit constituer une manifestation d’humour ou une raillerie ».
TJ Lille, 12 sept. 2025, n° 23/05346
III- Les illustrations jurisprudentielles
Il a pu être jugé que l’utilisation du slogan publicitaire de la MAAF — « Rien à faire, c’est la MAAF qu’il/elle/ils préfère(nt) » — ne constituait pas une contrefaçon de l’œuvre musicale « C’est la ouate » et de son extrait « De toutes les matières, c’est la ouate qu’elle préfère ».
CA Paris, pôle 5 ch. 2, 8 mars 2024, n° 22/03274
Il convient toutefois de préciser que, dans cette affaire, la MAAF avait obtenu l’autorisation d’utiliser les paroles pour un premier slogan, et que le litige ne portait que sur un second slogan.
Au contraire, l’adaptation par l’enseigne FLUNCH de la chanson « On va s’aimer » de Gilbert Montagné et Didier Barbelivien en « On va fluncher » a été jugée comme portant atteinte au droit moral des auteurs, malgré la cession préalable de leurs droits patrimoniaux : « l’adaptation du slogan publicitaire qui constitue une parodie des paroles de la chanson « on va s’aimer » sur la musique originale de l’œuvre, dénature l’œuvre originale en y portant une atteinte substantielle et constitue donc bien une atteinte au droit moral d’auteur de Messieurs Didier X… et Gilbert A…, laquelle, faute d’avoir été autorisée préalablement et spécialement par les auteurs, est illicite et ouvre droit à réparation de leur préjudice (…) leur préjudice moral, constitué par l’atteinte portée sans leur autorisation à leur œuvre, résulte essentiellement de l’idée, qui a pu naître dans l’esprit du public, de leur participation volontaire à la création du message publicitaire ».
CA Versailles, 11 oct. 2007, n° 07/00491
La Cour de cassation a confirmé cette décision en soulignant que « une telle adaptation à des fins publicitaires, portant atteinte à leur droit moral d’auteur, était illicite ».
Cass. 1re civ., 2 avr. 2009, n° 08-10.194
IV- Un risque réel
Utiliser des paroles de chansons dans une campagne publicitaire peut sembler anodin, surtout si les extraits sont courts et humoristiques. Pourtant, il s’agit bien d’œuvres protégées, exploitées sans autorisation.
Si l’intention humoristique est démontrée, le risque de condamnation en contrefaçon est réduit mais jamais totalement exclu.
Pour sécuriser une campagne, il est fortement recommandé de solliciter l’accord des ayants droit ou d’opter pour des créations originales.
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