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Maître Aurélie Testu

L’action en contrefaçon de droits d’auteur

Les différentes stratégies et procédures de la contrefaçon de droits d’auteur : saisie-contrefaçon, référé, action au fond

En cas d’atteinte aux droits d’auteur, plusieurs voies procédurales sont envisageables. Le choix de la stratégie dépend des objectifs poursuivis (cessation des actes, indemnisation, etc.) et de la situation concrète.

I- La saisie-contrefaçon

La saisie-contrefaçon constitue un outil probatoire essentiel en matière de propriété intellectuelle. Elle permet d’obtenir des preuves concrètes et souvent décisives de la contrefaçon.

La matérialité de la contrefaçon peut toutefois être établie par d’autres moyens de preuve. À ce titre, il a pu être jugé que

« Attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la portée et de la validité des éléments de preuve soumis à son examen qu’après avoir constaté que la photocopie de la fermeture à glissière créée en 1975 par Pascal Y…, jointe à l’attestation de ce dernier, permettait de visualiser directement les caractéristiques et les détails de cette œuvre, la cour d’appel a estimé que cette photocopie constituait un élément de preuve valable et suffisant permettant aux parties de discuter utilement qui n’avait lieu d’être écarté des débats »

Cass. 1re civ., 5 juil. 2006, n° 05-14.893

En pratique, des constats en ligne ou des constats d’achat réalisés par un Commissaire de justice permettent fréquemment d’établir l’existence des actes de contrefaçon.

Toutefois, la saisie-contrefaçon demeure la méthode la plus complète pour démontrer l’ampleur des atteintes (nombre de ventes, stocks, circuits de distribution…).

Cependant, le coût associé à une saisie-contrefaçon est souvent élevé. Elle suppose le dépôt préalable d’une requête auprès du Président du tribunal judiciaire, avant toute action au fond. Si l’objectif principal est de faire cesser rapidement les actes plutôt que d’obtenir une réparation financière importante, d'autres moyens probatoires (constats simples) peuvent donc être privilégiés.

Il convient néanmoins d’être attentif aux limites de ces constats. En effet « sous peine d’être écarté des débats, le procès-verbal de constat ne doit contenir aucun avis de conséquence de fait ou de droit, ni même d’interprétation ou de tentative d’explication des éléments constatés ». Le Commissaire de justice doit se borner à « constater et décrire objectivement les éléments ».

CA Paris, pôle 5 - ch. 11, 14 févr. 2020, n° 17/20830

 

II- Le référé

 La procédure de référé permet d’obtenir des mesures rapides, sous réserve de certaines conditions. Le juge des référés peut (articles 834 et 835 du Code de procédure civile) :

  • Ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ;
  • Même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
  • Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Cependant, en matière de droits d’auteur, la difficulté réside souvent dans l’appréciation de l’originalité de l’œuvre, condition préalable à toute protection.

Dans ce cadre, il a récemment été considéré que l’appréciation de l’originalité « échappe au juge des référés compte tenu qu’elle revient à trancher une contestation sérieuse dans la mesure où elle relève d’une question de fond. Si le juge des référés reste compétent pour faire cesser un trouble manifestement illicite même en présence d’une contestation sérieuse, le trouble invoqué par les sociétés X et Y repose, en l’occurrence, sur un droit dont l’existence même est contestée. En effet, en matière de droits d’auteur, il ne peut exister de trouble manifestement illicite qu’en présence d’une œuvre originale. L’appréciation de l’originalité d’une œuvre échappant au juge des référés dès lors qu’elle est contestée, aucun trouble manifestement illicite ne saurait être constaté dans ce cas. Les demandes des sociétés X et Y au titre de la contrefaçon de droits d’auteur seront, en conséquence, rejetées ».

TJ Paris, service des réf., 8 janv. 2025, n° 24/51976

 Ainsi, dès lors que l’originalité est contestée — ce qui est quasi systématiquement le cas dans les litiges en matière de droit d’auteur— , il existe un risque élevé que le juge des référés se déclare incompétent et rejette les demandes.

 

III- La procédure au fond

L’action en contrefaçon au fond est souvent la voie la plus sûre pour faire reconnaître une contrefaçon de droits d’auteur. Elle permet au juge d’apprécier l’ensemble des éléments, y compris l’originalité.

Son principal inconvénient reste sa durée : il faut généralement compter entre 12 et 24 mois pour obtenir une décision.

Néanmoins, après avoir recueilli des preuves (par constat ou saisie) et tenté une résolution amiable, l’assignation au fond reste la solution à privilégier pour obtenir une condamnation ferme (interdiction, dommages-intérêts, publication judiciaire…).