Le droit à l’image entre lieu public et lieu privé
Comment s’applique le droit à l’image dans les lieux publics ?
14/02/2025I- Le principe du droit à l’image
En application de l’article 9 du Code civil, qui prévoit que « chacun a droit au respect de sa vie privée », toute personne a un droit sur son image et peut s’opposer à sa diffusion sans son autorisation expresse.
Le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation. En conséquence, la seule constatation d'une atteinte ouvre droit à réparation.
(Cass. Soc. 19 janvier 2022, n°20-12.420 ; Cass. Soc. 14 février 2024, n°22-18.014)
Le principe est donc que chaque individu est à même d’accepter ou de refuser l’utilisation qui est faite de son image :
« Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la maîtrise par l'individu de son image implique dans la plupart des cas la possibilité de refuser la diffusion de son image et comprend en même temps le droit pour lui de s'opposer à la captation, la conservation et la reproduction de celle-ci par autrui. L'image étant l'une des caractéristiques attachées à la personnalité de chacun, sa protection effective présuppose, en principe, le consentement de l'individu dès sa captation et non pas seulement au moment de son éventuelle diffusion au public (CEDH, arrêt du 15 janvier 2009, Reklos et Davourlis c. Grèce, n° 1234/05, § 40 ; CEDH, arrêt du 27 mai 2014, de la Flor Cabrera c. Espagne, n° 10764/09, § 31) »
(Cass. 1ère civ. 2 juin 2021, n°20-13.753)
II- Les limites au droit à l’image
- L’identification de la personne
Il est nécessaire qu’une personne puisse soit identifiable pour qu’elle puisse invoquer son droit à l’image.
« Attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d’appel, après avoir relevé, outre la taille de trois millimètres sur deux du visage litigieux, sur une vignette occupant seulement la plus grande face d’un morceau de sucre, la mauvaise définition générale de l’image, a estimé que la personne représentée était insusceptible d’identification ; qu’à partir de ces constatations et appréciations souveraines, elle a pu retenir qu’aucune atteinte à l’image n’était constituée ; que le moyen n’est pas fondé ; »
(Cass. Civ., 5 avril 2012, n° 11-15328)
- Le droit à la liberté d’expression
Le droit à l’image et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur juridique, il appartient au juge de rechercher un équilibre entre ces droits en tenant compte des circonstances de l’espèce.
« Le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime ;pour effectuer cette mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies (CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France [GC], no 40454/07, § 93) ; il incombe au juge de procéder, de façon concrète, à l'examen de chacun de ces critères ».
(Civ. 1ère 10 octobre 2019 pourvoi no18.21-871)
III- L’image des personnes se trouvant dans un lieu public
Le lieu public est généralement défini comme un espace accessible à tous, sans autorisation spéciale, que cet accès soit permanent ou soumis à certaines conditions.
Dans l’hypothèse où une personne est identifiable et où la liberté d’expression ne justifie pas une atteinte au droit à l’image, se pose la question de l’étendue de ce droit pour une personne se trouvant dans un lieu public.
Si l'on pourrait penser intuitivement qu'une prise de vue dans un lieu public ne porte pas atteinte au droit à l'image, la jurisprudence affirme le contraire. Ainsi, il est constant que « peu importe que la personne se trouve dans un lieu public, dès lors qu'elle apparaît isolément grâce au cadrage réalisé par le photographe »
(Civ. 1re, 12 déc. 2000, no 98-21.311)
A titre d’exemple, il a récemment été rappelé que : « Les nombreuses photographies, à l’évidence prises au téléobjectif, à l’insu du demandeur, ont été publiées sans son autorisation pour illustrer un article attentatoire à sa vie privée. Le fait qu’elles aient été prises dans un endroit public n’autorisait en rien le magazine à les publier, de surcroit en dépit de l’opposition formelle des intéressés qui leur avait été dument notifiée »
(TJ Paris, 12 janvier 2024 - n° 23/58541)
En conclusion, une personne bénéficie d’un droit sur son image dans un lieu public, dès lors qu'elle apparaît isolément.