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Maître Aurélie Testu

Les obligations des parties dans un contrat informatique

L'obligation du prestataire de services informatiques et le devoir de collaboration du client

Les contrats informatiques génèrent un contentieux important en raison de la technicité du secteur, de ses constantes évolutions, et des attentes souvent élevées des clients.

Dans ce cadre, les obligations des parties obéissent aux règles de droit commun mais aussi à des obligations particulières induites par la spécificité des produits informatiques vendus et/ou installés.

 

I- Rappel des principes généraux du droit des contrats

Conformément aux articles 1103 et 1104 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi aux parties, qui doivent les exécuter loyalement et de bonne foi. Le prestataire d’une solution informatique doit donc respecter les termes du devis et du cahier des charges éventuellement établi.

L’article 1112-1 du Code civil prévoit que « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».

En application de ce principe, le prestataire informatique est soumis à une obligation d’information et de conseil envers son client, dès la phase précontractuelle. Cette obligation revêt une importance particulière, compte tenu de l’asymétrie d’information souvent présente dans ce type de relation contractuelle.

 

II- L’obligation du prestataire informatique : résultat ou moyens ?

L’étendue de l’obligation du prestataire varie selon la nature de la prestation et les circonstances de l’affaire. Si certaines juridictions ont considéré que le prestataire informatique est tenu d’une obligation de résultat, notamment quant à la fourniture d’une solution conforme dans les délais convenus :

  • Le prestataire a une« obligation de résultat de délivrer dans les délais convenus une solution informatique répondant aux besoins de son client »

 (CA Grenoble, 4 juin 2015, n° 11/01817)

 D’autres décisions ont nuancé cette position, en tenant compte de l’aléa technique inhérent à la matière informatique :

  •  « l’obligation de délivrance conforme est une obligation de moyens compte tenu de l’aléa inhérent à la matière informatique, et que cette obligation comprend notamment une obligation de conseil, qui est une obligation de moyens (…) »

 (CA Lyon, 27 septembre 2018, n° 16/02232)

Une position intermédiaire tend à prévaloir aujourd’hui, distinguant entre les différentes obligations pesant sur le prestataire :

« Le prestataire informatique est tenu d'une obligation de résultat portant sur la livraison d'un logiciel conforme aux prévisions contractuelles. Il est également débiteur d'une obligation d'information, de mise en garde et de conseil à l'égard de son client laquelle est une obligation de moyens renforcée qui doit être appréciée en fonction de la complexité de la prestation fournie et de la compétence du client et tempérée par le devoir de collaboration imposé à ce dernier »

(CA Caen, 22 avril 2021, n° 19/00629)

 

III- L’obligation de collaboration du client

En miroir de l’obligation de conseil du prestataire, le client est tenu d’un devoir de collaboration. Il doit fournir les éléments nécessaires à la compréhension de ses besoins et participer activement à la mise en œuvre du projet informatique.

« Parallèlement à cette obligation de conseil, pèse sur le client une « obligation de collaboration » à la charge du client, qui doit rendre plus aisée la tâche du prestataire informatique notamment en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier les besoins exprimés. Cette obligation de collaboration peut, en considération des spécificités, se poursuivre pendant l’exécution du contrat (Cass 8 juillet 2003) »

(CA Poitiers, 30 juin 2017, n°15/04647)

L’implication du client est essentielle, notamment dans la transmission des données, la validation des étapes du projet et les retours à chaque phase clé :

« L’installation du système informatique nécessite dans sa mise en œuvre, une collaboration et une implication des équipes du client dans la transmission des données nécessaire au paramétrage et dans la validation de chaque étape, susceptibles d’affecter l’adéquation de la solution proposée aux besoins du client ».

(CA Paris, 20 mars 2017, n° 15/11363)

 

IV- Une interdépendance entre les obligations des parties

La jurisprudence rappelle régulièrement que le respect de l’obligation du prestataire doit être apprécié à l’aune de celui, concomitant, du devoir de collaboration du client.

« Il est constant en droit que les contrats relatifs à la fourniture de prestations informatiques font peser sur le prestataire une obligation de conseil dont le corollaire est le devoir de collaboration du client, lequel doit exposer correctement ses besoins spécifiques, informer le fournisseur sur l’usage attendu du produit informatique et valider, dans des délais raisonnables, les analyses fonctionnelles nécessaires à la mise au point de l’application. Ce devoir de collaboration, qui naît dès la phase de pourparlers, perdure durant la phase d’installation et de mise en route.

Le respect par le client de ce devoir de coopération constitue un aléa pour le fournisseur qui a pour conséquence, en ce que sa prestation est purement intellectuelle, de ne le contraindre qu’à une obligation de moyens (…) ».

(CA Bordeaux, 15 février 2023, n° 20/02883)

Ce devoir de collaboration est d’autant plus déterminant que les prestations informatiques sont par nature complexes et immatérielles, et que leur succès dépend fortement de la coopération du client :

« Le prestataire de service informatique chargé de la création et de l’élaboration de logiciels, sites web ou application mobile, prestations intellectuelles complexes par nature soumises à des aléas résultant de l’obligation de collaboration du client et de l’évolution rapide du secteur informatique, est tenu d’une obligation de moyens renforcée quant à la délivrance de l’ouvrage commandé ».

(CA Douai, 22 juin 2023, n°21/03807)

Ainsi, un client ne saurait obtenir la résolution du contrat au seul motif de la non-conformité de la solution fournie, dès lors qu’il n’a pas respecté son devoir de collaboration.

A titre d’exemple, l’ajout de nouvelles demandes ou le refus ultérieur de collaboration de la part du client, empêchant la finalisation d’une solution adaptée, ne saurait permettre à ce dernier d’obtenir la résolution du contrat.

(Cass. Com. 11 janvier 1994, n° 91-17.542)