Les contours du dénigrement
La Cour d’appel de Paris rappelle les conditions de licéité des critiques en ligne
26/05/2025La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 7 mai 2025, a récemment rappelé les critères permettant de caractériser un acte de dénigrement, tout en réaffirmant les exigences liées à la liberté d’expression.
Cette mise au point s’inscrit dans le contexte d’une affaire opposant la société Baronnies Granulés & Co à la société Hérétic, connue pour éditer le site Internet www.signal-arnaques.com.
En l’espèce, la société Baronnies Granulés & Co a découvert que le site de son entreprise était évalué avec un score de confiance de 2 % sur le site Internet scamdoc.com, édité par la société Hérétic. Ce score de confiance était qualifié de « très faible ».
I- Les principes juridiques du dénigrement
L’arrêt de la Cour d’appel de Paris a permis de rappeler plusieurs principes en matière de dénigrement :
- Réparation : sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, l’auteur du dénigrement peut être condamné à des dommages et intérêts pour réparer le préjudice causé à la victime dudit dénigrement ;
- Distinction avec la diffamation : « les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d’une entreprise, pouvant caractériser un acte de dénigrement, n’entrent pas dans les prévisions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dès lors qu’elles ne concernent pas la personne physique ou morale » ;
- Personne visée : « le dénigrement peut non seulement viser une entreprise, mais également un groupe de professionnels ou une catégorie professionnelle déterminée » ;
- Charge de la preuve : « il appartient au demandeur de prouver l’existence d’une faute commise par l’auteur des propos, un préjudice personnel et direct subi par lui et un lien de causalité entre cette faute et le préjudice » ;
- Situation de concurrence : « même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre, peut constituer un acte de dénigrement ».
II- Une limite essentielle : la liberté d’expression
Pour apprécier la faute constitutive du dénigrement, il convient de tenir compte de la liberté d’expression et du droit à l’information.
La Cour d’appel rappelle à cet égard que « lorsque l’information en cause se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, cette divulgation relève du droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait, dès lors, être regardée comme fautive, sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure »
III- L’appréciation factuelle
En l’espèce, la Cour d’appel de Paris a considéré que le rapport édité par la société Hérétic n’apparaissait ni prudent, ni mesuré et aboutissant à l’attribution d’une note extrêmement négative, sans l’étayer de manière suffisamment substantielle.
Dès lors, ce rapport revêt un caractère dénigrant.
En conséquence, la Cour d’appel a confirmé l’ordonnance du juge des référés du Tribunal de commerce de Paris du 4 juillet 2024 ordonnant la suppression de la page dédiée au site internet de la société Baronnies granulés & Co du site https://fr.scamdoc.com.